Les souvenirs de son enfance sont de plus en plus flous, au fil du temps : cette époque est peut-être un peu fantasmée, dans son esprit. Une période ou tout était plus simple. Il y avait sa sœur, Olivia, le visage souriant de ses parents. Que ce soit le petit appartement familial ou le sourire de ses géniteurs, les images qui lui restent sont érodés par le temps. Un jour, il ne souviendra plus de leurs visages : comme s’ils n’avaient jamais existé, comme s’ils n’étaient qu’un mirage. Et ça le rend triste.

Sa courte adolescence est un peu plus fraiche dans son esprit : rebelle, déjà enfermé devant un écran. Sa sœur, espoir de la famille : elle, si parfaite. Gaspillant les maigres économies du foyer pour ses études de droit. Un peu de jalousie, déjà.

Puis, la fin des beaux jours. Le noir, l’éclipse. Seize ans à peine, et son foyer fut détruit. Le corps et le cœur abimé, il avait à jamais quitté l’Australie pour rejoindre l’Angleterre, accompagné de sa sœur, désormais tout ce qu’il lui restait de sa famille.  

Nouveau pays. La langue n’était pas un souci. Le reste, un peu plus. Car la fratrie n’était qu’une gêne : de pauvres éléments indésirables, des survivants dont personnes ne voulait s’occuper. Sa sœur avait abandonnée ses études pour travailler et subvenir aux besoins du foyer. Sacrifiant son avenir, elle cru en son frère pour réussir à se forger le sien.  
Allistair détestait déjà ce pays : il était l’élève étrange, miséreux, mis de côté. Il était cet adolescent subissant les brimades des autres, n’hésitant pas à se défendre, quitte à se faire encore un peu plus ostraciser.

Fin du lycée. Il s’enferma quelques mois dans sa chambre, sans but. Pourtant, cette colère l’animait toujours, le rongeait. Un vieil ordinateur avec lui, il continuait de développer ses talents en informatique.

Puis, son premier éveil. Olivia voyait en cet événement un moyen de protéger les autres, de permettre à d’autre familles de ne pas se retrouver déchirée, détruite. Elle voulait faire le bien. Dans le fond, elle était sans doute envieuse de ne pas avoir eu cette chance.
Lui, il ne possédait pas le même espoir, la même bonté que sa sœur. Néanmoins, il n’avait pas le choix : en manque d’argent, il commença à travailler à l’hôpital de sa petite ville, aisément embaucher avec sa classe de soigneur.

Il était presque acclamé comme un sauveur, un miracle tombé du ciel. Lui, auparavant déprécié par les autres, vu comme une gêne. Ce changement soudain poussait sa sœur à croire qu’enfin, une merveille allait faire changer leurs vies. Qu’ils allaient quitter leur appartement pitoyable. Allistair était néanmoins profondément dégouté de ce virage : et c’était pareil pour le reste. Sur ces deux ans de travail, il avait vu la misère, la pauvreté : les gens laissés dans leur maladie, incapable de payer. L’hôpital qui n’avait rien à faire de ces patients. Lui, adulé depuis que son éveil l’avait fait quitter la catégorie de « déchet de la société ».

L’argent était vraiment ce qui faisait tourner cette société. Sans qu’il ne sache vraiment comment ça a commencé, il s’entoura de mauvaise personne. Enfin, ça, c’était ce que sa sœur disait… La légalité, qu’est-ce que c’était, finalement, tant qu’il avait un moyen de soudoyer son interlocuteur ? Vol, petit larcin … il avait trouvé quelque chose de plus excitant que le travail de soignant. Il s’était vite rendu compte que désormais, avec ses pouvoirs, il pouvait avoir l’ascendant sur les autres. Passer de proie à chasseur.
Il avait même commencé à explorer les donjons – même s’il avait tendance à « emprunter » les récompenses obtenues et « d’oublier » les autres chasseurs l’ayant aidé.

Parfois, il rentrait blessé. Pourtant, son petit rictus cynique et provocateur ne le quittait plus. Pour la première fois, il voyait de la déception dans le regard de sa sœur. Mais c’était bien elle, l’idiote dans cette histoire.
Pendant tout ce temps, il avait continué à parfaire ses talents en informatique. Quand il n’était pas dehors, à trainer les rues, il était enfermé dans sa chambre, avec son ordinateur, concoctant virus ou malware, quand il n’était pas directement entrain de pirater un site.

Peut-être que pirater un site gouvernemental, ce n’était pas une si bonne idée que ça – néanmoins, il commençait déjà à se faire sa petite réputation. De foutre le bazar dans ce pays qui n’avait jamais voulu de lui. Loin de ses terres natales, il ne s’est jamais plus senti vraiment chez lui par la suite. Récupérer les continents perdus n’était pourtant une priorité pour personne. Déranger l’ordre public, c’était une sorte de vengeance, pour lui.

Ce petit train-train de violence, il le suivit pendant plusieurs années : à s’enrichir dans les donjons, à voler les autres, à tromper. A se prendre pour un roi dans les rues de sa ville, comme si le monde tout entier lui appartenait. Son rang avait monté deux fois, dans ce laps de temps, autant dire que ça ne l’avait pas aidé à se calmer, loin de là ; après tout, bon nombre de chasseur qu’il rencontrait n’était pas à sa hauteur … il était simple soigneur, mais ça ne l’empêchait pas de déjà faire une bouchée des âmes innocentes se perdant dans des donjons.


Néanmoins, après ces quelques années d’agressions et de vol à coup de runes, sans surprise, les autorités locales finirent évidement par le rattraper.
25 ans, sans parent, sans emploi, renié par sa sœur. En prison pour éveillé. Un enfer, pour lui. Parce qu’il ne voulait pas croupir là toute sa vie – parce qu’il voulait lutter, quitte à sentir ces aiguilles se planter dans sa peau. Encore une fois, il n’était qu’une bête à contrôler – un élément indésirable.  

Un an plus tard, enfin un espoir : la Guilde des Faucheurs étaient venus le chercher directement. Les servir, ou rester pourrir dans sa cellule. Evidemment, la réponse était évidente. De toute façon, ce n’était pas vraiment ce qu’il lui restait d’éthique qui allait l’empêcher de saisir cette opportunité. Aurevoir sa cellule, et bonjour son nouveau foyer : la Russie.

Pourquoi lui spécifiquement ? Déjà, il n’était pas le seul concerné : la Guilde voulait sans doute élargir rapidement ses effectifs, quitte à aller directement chercher les criminels en prison. Néanmoins, son expérience et son rang déjà un minimum élevé ont évidemment fait de lui un candidat parfait … et probablement sa classe, aussi, même ça ne lui plaisait pas vraiment. Encore aujourd’hui, il n’apprécie pas vraiment être vu comme un simple infirmier aux yeux de ses coéquipiers.
Enfin libre de son collier, son corps reste pourtant marqué des traces de ces aiguilles : des cicatrices lui rappelant sa propre imprudence. Il se fit une promesse à lui-même : plus jamais il n’allait se retrouver enfermé comme un chien galeux. Plutôt mourir que de retourner en prison.


Ayant définitivement quitté l'Angleterre, il a pourtant eu des nouvelles de son ainée : même si les deux n’ont plus aucun contact, depuis que le plus jeune est passé par la case « prison ». Olivia s’est mariée. Olivia a fini par travailler dans le droit. Pour plus de législation au sujet des éveillés, plus de contrôle. Et penser à elle, ça le met en colère : sans doute par jalousie. Elle a quelqu’un, alors que lui, il reste encore et toujours solitaire ; Elle œuvre pour les autres, là où il n’est devenu que plus égoïste avec les années. Encore et toujours, elle était l’enfant parfaite. Ce qui était loin d’être son cas. Ca le fait questionner, parfois, mais .... c'est tellement plus simple, de ne penser qu'à soi.

Sans surprise, au fil des années, il est devenu un élément un minimum important au sein de sa guilde. Et il a commencé à se satisfaire de cette situation. Même s’il est recherché et fiché, il profite d’une petite vie tranquille, dans l’ombre, guidé par sa soif d’argent et de pouvoir.

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