Moscou | Place Rouge | 10 a.m.

Il fait toujours aussi froid dans ce pays...

Rosaline se lamenta alors qu'une fine neige s'abattait sur la capitale russe. A sa sortie du portail en provenance de Londres, elle s'était dirigée vers la Place Rouge, lieu du donjon de rang C qui accueillerait la force d'attaque dont elle faisait partie. Si elle n'aimait pas forcément les conditions climatiques, la faute principalement à ses tenues vestimentaires plutôt légères, l'anglaise pouvait compter pas mal de clients fortunés dans les environs. Des magnats du pétrole ou encore des nouveaux riches qui pouvaient se payer le luxe de porter sa ligne de prêt-à-porter dont les matériaux étaient issus des donjons.

Alors que Rosaline frissonnait, tentant vainement de se réchauffer en se frottant les bras et que la tension redescendait à vue d'œil, elle aperçut une silhouette familière. Une vision qui la sortit de sa torpeur, l'adrénaline inondant son corps telle un tsunami implacable ! Il s'agissait d'un collègue Faucheur répondant au nom d'Allistair. Il se faisait appelé la rose noire dans le milieu et il avait débuté à peu près à la même époque que l'anglaise. Il s'était ainsi développé une certaine rivalité entre les deux chasseurs. Une rivalité que Rosaline avait l'impression de dominer ces derniers temps, notamment grâce à son plus récent exploit : L'annihilation d'une force de Chevaliers qui s'était attaquer à un donjon de rang B. Elle se rapprocha immédiatement de cet dernier, un sourire mesquin aux lèvres.

Helloooooo. Tu es venu me féliciter pour mes récentes performances ? C'est adorable.

Rosaline murmura en passant à sa hauteur avant de filer d'un pas guilleret vers le portail, le froid visiblement oublié. Elle se hâta de pénétrer dans le donjon et à sa grande joie, la température y était bien plus accommodante. Elle prit une grande bouffée d'air et ses narines furent titillées par une odeur fort agréable, mélange de jasmin et du cuir tanné lui rappelant son atelier de confection. L'anglaise se détendit alors qu'un gigantesque trou se présentait devant le groupe et semblait s'enfoncer dans les profondeurs de la terre. Un escalier en colimaçon taillé dans la roche leur permettrait d'explorer les lieux.

Vous sentez cette odeur de jasmin ?

Rosaline commenta, visiblement de bonne humeur.

Stimulées par les deux Faucheurs, les langues se délièrent.

Moi je sens une odeur de pizza. Moi c'est le parfum de ma femme. Moi ça sent le sapin !

Rosaline se retint de pouffer à cette dernière mention. Evidemment elle venait du plus balèze du groupe. On aurait dit une sorte de bucheron canadien. Il avait clairement la tête et la mentalité d'une victime. L'anglaise s'approcha de ce dernier et l'incita à passer devant, ses qualités le plaçant naturellement au-dessus des autres. Rien qu'un peu de manipulation pour faire avancer les choses et accessoirement prendre moins de risques. De tous leurs compagnons du jour, il n'y avait guère qu'Allistair de compétent. Elle en était persuadée. Cependant avoir un Faucheur dans son dos était rarement la meilleure option mais elle ferait avec. La jeune femme espérait de ne pas avoir un contrat sur sa tête ou que son collègue n'avait pas de contrat stipulant la monopolisation des ressources du donjon. En attendant, elle le surveillerait de près.

J'ai l'impression que tu disais vrai. Tu seras primordial à ma survie... mentale. Me fait pas faux bond et me laisse pas avec ces incapables.

Rosaline lui glissa avant d'apercevoir quelque chose bouger. Elle tourna la tête mais n'aperçut qu'une silhouette évasive. Ses capacités de détection et sa vision mobile étaient affutées mais apparemment pas assez. Ou alors était-ce un fragment de son imagination ? Alors qu'elle cherchait du regard quelque chose d'intéressant, un indice sur la marche à suivre, l'anglaise constata que les couleurs de la flore se faisait plus fortes, plus vibrantes à mesure que le groupe descendait les marches. Elle ne jugea pas ce fait d'une grande importance mais prit soin d'éviter de marcher sur cette végétation rampante. Quelque chose clochait. elle ne savait pas comment mais son instinct ne mentait jamais.

Elle ne dit pas mot mais pointa du doigt l'herbe devenue rose fluo histoire d'attirer l'attention de son collègue.

Après quelques minutes d'une descente aux allures de bad trip, le groupe arriva devant deux couloirs opposés. Il fallait prendre une décision. Un des guerriers suggéra de se séparer et une jeune archère proposa quant à elle de rester groupé. Rosaline s'en fichait pas mal, sachant pertinemment qu'il n'y avait jamais de solution idéale dans ces cas là. La séparation était somme toute plus risquée mais permettrait peut être de ramasser plus de matériaux avec un peu de chance. Et cette possibilité lui plut énormément ! De plus c'était bien plus efficace et leur permettrait de terminer ce donjon plus rapidement. Le grand bucheron possédait déjà quelques groupies qui le suivaient comme son ombre, persuadées qu'il leur offrait la meilleure chance de terminer ce donjon. L'anglaise réfléchit quelques secondes avant d'attraper l'archère par le bras et de la tirer vers Allistair. Elle invita ensuite un des guerriers à l'épée imposante et un mage chétif tout de rouge vêtu à se rapprocher d'eux afin qu'ils intègrent eux aussi l'équipe des Faucheurs.

Si ça vous convient, on va aller de ce côté. Rendez-vous devant le boss.

Rosaline poussa tout ce beau monde vers le couloir pour les empêcher de trop réfléchir et de passer vingt minutes à prendre une décision. Cette répartition avait l'air équitable sur le papier. La réalité était bien entendu toute autre.

A vos ordres, messire. Vous les voulez où mes aiguilles ?

Rosaline répondit avec une répartie qui caractérisait souvent ses interactions avec Allistair, ses lèvres fines s'étirant dans un rictus des plus machiavéliques. Dans une gestuelle volontairement agressive, elle fit tourner ses fameuses aiguilles dans ses mains, provoquant l'inquiétude de leurs autres compagnons. Ces derniers semblaient d'ailleurs subir le même genre d'hallucinations visuelles, leurs regards inquiets et leurs mouvements de tête frénétiques étant pour le coup simple à interpréter.

Ah bon, t'es sûr ? Tout ce que je vois ce sont ces espèces d'ossuaires morbides.

Rosaline dénigra immédiatement Allistair lorsque ce dernier leur annonça qu'un danger guettait. Les hallucinations devenaient certes plus fortes mais elle n'imaginait perdre dans un combat de perception ! L'anglaise secoua tout de même vivement la tête pour se remettre les idées en place lorsqu'elle aperçut un lapin vert fluo émerger de la paroi et se mettre à sauter dans con champ de vision. les contours de ce dernier s'étirèrent même pour ne laisser qu'un amas de couleurs dans un gloubi-boulga psychédélique du plus bel effet.  

De quoi lui rappeler les soirées guindées de la bourgeoisie londonienne !

Ce furent des sifflements dans l'air qui la ramenèrent à la morne réalité. Il y avait bel et bien des ennemis qui guettaient ! Des Cistals à en croire par leurs capacités et leur apparence squelettique. Rosaline fut surprise en constatant le buff de son camarade. Elle n'en aurait assurément pas besoin, faisant face à des créatures magiques à la volonté naturellement élevée. Mais cela pourrait jouer si d'aventure un ennemi physique faisait son apparition.

J'aime quand tu joues aux Pom-pom girls ! T'as oublié des pompons, non ?

Rosaline provoqua son camarade et rit aux éclats. Un rire cristallin qui retentit dans les couloirs dans un écho des plus plaisants. En bonne professionnelle, elle savait faire la part des choses et se rua vers les Cistals, morts-vivants capables de lancer des sorts. Il lui semblait évident qu'il fallait affronter ces ennemis au corps-à-corps afin de grandement limiter leurs capacités. Notamment les attaques de zone qui seraient très dangereuses dans des couloirs aussi étroits. Il ne lui fallut qu'un instant pour atteindre les créatures qui n'étaient finalement que deux. Ses aiguilles prirent une teinte rougeâtre, synonyme de l'activation d'une rune. L'anglaise fit une feinte de corps avant de plonger aiguilles en avant vers l'un des Cistals. Dans un éclair, elle dansa autour de son adversaire et le lacéra trois fois d'affilée sans qu'il ne puisse réagir. Son premier coup lui entailla le haut du torse, le deuxième visa l'abdomen et enfin le dernier lui découpa littéralement la jambe ! La Faucheuse l'envoya à terre dans un ricanement maniaque qui résonna dans le couloir.

Une joie de courte durée, les morts-vivants ne saignant malheureusement pas...

Heureusement pour Rosaline, le deuxième Cistal décida de poursuivre son chemin et de viser l'archère qui tentait de se repositionner pour atteindre le Chevalier maudit. Cela démontrait clairement leur piètre intellect. Un intellect bien pire que d'ordinaire estima l'anglaise qui avait l'habitude d'affronter ces créatures. C'était peut être à cause de ces fleurs qui trônaient au-dessus de leurs têtes ? Ces morts-vivants n'était peut être que des pantins d'une créature plus puissante ? Pas vraiment le temps de cogiter qu'un cri de douleur se fit entendre. Un projectile magique venait de toucher l'archère qui se tordit de douleur au sol, visiblement surprise par la tournure des évènements. Le mage tentait de reprendre une contenance, sa main se parant d'aura bleutée signe de l'activation d'une rune, un projectile enflammé heurtant le dos du Chevalier Maudit qui ne broncha même pas. Le guerrier quant à lui se défendait tant bien que mal devant les assauts répétés de l'épée télékinétique aux allures de bâton disco de ce dernier.

Mais cela ne durerait probablement pas.