“Mei, tu n’oublieras pas de bien nous représenter lors des funérailles. Tu peux bien t’occuper de ça, non?”

Rahh te voilà encore dans une nouvelle obligation qui t’intéressait peu.

Te voilà à peine remise de tes propres problèmes que tu es déjà obligée à confirmer ta présence et ton soutien à une famille pour le décès de leur fils. Bien que le nom t’étais familier, ce n’est qu’en lisant les nouvelles sur ta tablette lors de ton déjeuner que tu avais enfin un visage au nom.

“Ah! Cette merde là!” Tu t’avais exclamé devant la photo du jeune homme alors qu’il faisait la une des médias.

Oui, tu le connaissais, il avait fréquenté la même école que toi, enfin… Quand il allait à ses cours, vous étiez dans la même classe. Encore un autre enfant roi qui s’était fait acheter son éducation grâce aux dons de ses parents. Il faisait toujours des problèmes en classe que c’était bien plus bénéfique pour les autres quand il décidait de ne pas se pointer. Il n’avait même pas pris la peine de se pointer à sa graduation du collège auquel vous aviez été. C’était tellement le malaise quand son nom fut appelé et personne ne se pointa. Tu en riais encore de la situation. Bien sûr, on ne pouvait certainement pas cacher les multiples problèmes que Masanori-san produisaient chaque fois qu’il sortait de la maison. Encore une fois, sa famille et ses connexions le sauvaient toujours à la dernière minute. Tu ne pouvais pas nier la frustration et la colère que ça t’apportait de le voir toujours faire ce qu’il voulait sans subir les conséquences de ses actes, mais on dirait que son éveil a bien été la cause de sa mort. N’ayant pas son père ou sa mère pour le sauver des méchants monstres des donjons. Ça te satisfaisait plus que n’importe quoi. Il n’y avait pas de revanche aussi redoutable et juste que le karma.

Mais bon, tu pourrais bien passer la journée à le critiquer et sa famille. Par contre, pourquoi faire ça quand une nouvelle opportunité arrive devant toi? Tu avais la possibilité de renforcer les liens pré-existants et de t’enraciner comme étant la nouvelle héritière de la famille Nishihara. Il était bien temps de démanteler la rumeur que ton frère avait repris les rênes. Rien de mieux que de se lancer parmi les loups qui seront aux funérailles de quelqu’un que personne ne manquerait.

Tu avais donc comme mission de faire tes recherches. D’apprendre chaque nom et visage qui serait présent à cet évènement. Avec l’aide de tes servantes, la tâche d’acquérir une liste et une fiche descriptive des personnes était facile. Le reste, la mémorisation, était devenue ton travail. Pendant les jours qui suivaient, tu te concentrais sur cette simple mission. Tu passes ton temps assis à ton bureau qui se trouvait dans une salle recouverte de tatamis. Tu ne pouvais pas faire honte. Tu avais déjà tes kimonos et tes hanfus préparés, ils t’attendaient patiemment sur leur mannequin. Par contre, c’est en regardant la liste des invités qu’un nom te ressortait du lot.

Mina Ose.

Pas de relation définitive avec Masanori, ni avec les Minase. Bien autre qu’un passé militaire, tu pouvais bien te foutre un peu de son histoire de famille. Elle n’avait rien de remarquable. Une personne qui n’avait pas tellement de statut. Ce qui t’intriguait plutôt était la connexion que la dame possédait avec le défunt. Les deux ont fait partie d’un donjon, mais étrangement, elle était une survivante d’une situation qui semblait bien mortelle. Un peu comme toi. Tu en avais des frissons à te remémorer de ton premier donjon. Tu en tremblais tellement que la peur t’envahissait. La feuille de papier qui se trouvait dans ta main était illisible tellement que tu secouais. Tu devais prendre quelques respirations et te répéter des mantras afin de retrouver ton air calme. Tu te souvenais maintenant de son visage qui avait apparu dans les nouvelles. Tu devais absolument lui poser la question.

Était-elle comme toi?

Enfin, tu ne pouvais pas lui demander directement. Ce genre de questionnements ferait de toi une vraie folle. Tu devais l’apprivoiser patiemment pour pouvoir lui tirer les réponses sans qu’elle ne s’en rende compte. Tu devais donc te prouver comme étant son alliée. Après tout, tu te disais qu’un petit mouton noir parmi des loups déguisés en agneaux ne pourrait survivre sans être guidé. Tu t’appuies donc sur les joints de tes mains alors que tu observes sa fiche un peu plus en détail. C’est sûr que les autres personnes de haut profil en ferait de même. Elles doivent sûrement être en train d’analyser chaque chose de son passé. Passer son histoire et sa vie au peigne fin. Bien qu’elle aie une petite idée des gens qui seraient là, grâce à leur nom et réputation, elle ignorait bien dans quelle situation elle se retrouverait.

Voilà donc ton rôle. Tu jouerais le rôle de berger à travers les cérémonies auxquelles tu étais invitée. Un petit sourire mâlin s’affiche alors sur ton visage alors que tu manigances bien comment tu allais l’approcher.

“Obaa-chan, pourriez-vous retirer quelques fonds et les déposer dans un compte spécifique?”

“Certainement, Nishihara-sama. Donnez-moi le nom et ce sera fait.”

“Attendez mon signal avant de le faire.”

La dame qui se trouvait à tes côtés s’incline avec élégance avant de partir pour faire sa tâche. Tu avais passé le restant de ta journée assise dans ton bureau, à vérifier et mémoriser les gens qui seront présents, portant toujours une attention particulière à Mina. Tu ne pouvais pas te permettre de rater cette occasion de te faire une alliée. Tu avais bien l’impression que cet instant ne serait pas la dernière rencontre.

Puis enfin la journée tant attendue arrive. Tu n’aimais pas comment la première journée des funérailles se passait de façon plus moderne et occidentale. Tu avais une grande faiblesse pour la tradition. Pour le prouver, tu t’étais mise en kimono noir simple. Tes cheveux châtains se trouvaient parfaitement coiffés en chignon. Tu ne portais pas d’accessoires, tes getas et ton sac à main portaient la même couleur que ton habit. Malgré la simplicité de ta présentation, tu n’en restait pas moins jolie. Le peu de maquillage qui décorait ton visage restait simple et discret. Après tout, c’était bien de mauvais goût de briller plus que la vedette de l’occasion. Tu étais arrivée à la destination avec ta propre voiture, toute seule… Enfin presque. Tu avais ton chauffeur et ton accompagnatrice qui te servait d’assistante. Assise à l’arrière de la limousine, tu regardais bien les gens rirent en dehors du building intimidant. On aurait bien pu croire qu’il n’y avait pas de lugubres célébrations qui se déroulaient ici et que c’était seulement une rencontre de gens de haute société.

Tu en ressortis de ton auto avec élégance et délicatesse. Ton visage demeurait serein  et sérieux devant la foule qui commençait à rentrer dans l’édifice. Tu ferais de ton mieux pour bien paraître. Le titre de ta famille faisait bien importance, considérant que la calligraphie de ton père décorait certains aspects des funérailles. Cette sérénité s’estompa vite quand le crissement de pneus occupe l’atmosphère, forçant tous ceux qui se trouvaient à l’extérieur à regarder la provenance du bruit. Tu n’en étais pas impressionnée. C’est d’un regard venimeux que tu te mets à observer les jeunes enfants rois corporatifs sortir de leur limousine, traitant cet évènement sombre comme la prochaine fête. Avec leur comportement filmé, tu te disais bien que les parents de ces idiots auront bien de la difficulté à restaurer leur image. Encore une fois, le karma allait jouer son rôle éventuellement.

Tu prends donc le temps de saluer les officiels militaires qui rigolaient près de la porte. Tu leur adresses la parole, mentionnant leur nom, le plus beau de tes sourires au visage. Ta magie devait se faire là, en ce moment. Ton assistante vient t’avertir de quitter la petite conversation, que ta cible était proche. Tu souhaites aux hommes devant toi une superbe journée et tu rentres à l’intérieur de la tour. Tes yeux cherchaient avec une telle faim pour ta proie. Tu l’aperçois rentrer dans l’ascenseur et réalise rapidement que tu devais attendre ton tour. Tu n’y arriveras pas. Il faudrait que tu cours pour t’y rendre et ce serait trop désespéré. Il va bien falloir attendre que ce soit à toi de jouer. Donc tu attends devant l'ascenseur pour pouvoir monter à l’étage ou tout se passait. Ça t’énervait de ne pas pouvoir garder un œil sur Mina. Et si quelque chose se produisait et que tu ne le saches pas? Comment pouvais-tu la protéger des loups qui l'entouraient si tu n’étais pas là? Comment allais-tu l’approcher à ce moment-là?

Tu avales lourdement ta salive alors que ta pensée s’activait, par contre, tu reviens à tes sens lorsqu’un homme dans sa cinquantaine, sûrement un PDG qui connaît bien la famille, s’arrête à tes côtés. Tu lui salues chaleureusement, tu te présentes et vous commencez une petite conversation. Rien de trop original, vous exprimez brièvement le malheur de la situation et puis partez sur un sujet tiers sans grande importance. Tu trouvais que ça prenait une éternité pour que l’ascenseur arrive. La conversation entre vous et l’homme semble bifurquer la conversation sur apprendre à se connaître. Tu te sentais légèrement dégoûtée. Était-ce tous les business man qui agissaient de la sorte? Malgré le comportement peu désiré, tu gardes le beau sourire que tu avais passé des heures à maîtriser devant le miroir. Tu sais très bien celle que tu pratiquais. Le magnifique sourire qui cachait ton inconfort ou ta colère. Celle que tu portais de façon innocente quand tu devais cacher tes vrais émotions afin de préserver ton image. Oui. Celle-là.

Ding!

Ah. Enfin. L’ascenseur. Les portes s’ouvrent et tu rentres aussitôt. Heureusement, tu n’étais pas la seule. Le petit cube était rempli de gens. C’était une bénédiction. Et puis, le silence régnait  alors que vous montiez les étages. Tu entendais la respiration de ton voisin. Le *tic tac* de la montre d’un autre.

Tu pouvais te calmer, pour l’instant. Penses aux mantras qui te gardaient calme et sereine. D’une respiration zen, et d’un timing presque parfait, tu arrives à l’étage où se déroulaient les funérailles. Tu prends le temps de t’incliner à ton voisin, leur dire bonjour et de partir de tes côtés. Bien sûr, tu prends le temps d’exprimer tes condoléances à la famille et aux amis du défunt. Après tout, ton premier but était de bien représenter la famille. Puis, tu attendais patiemment pour pouvoir retrouver ton petit mouton. Elle se trouvait sur le balcon. Merde. Tu voulais à tout prix savoir ce qu’ils se disaient, mais tu devais t’abstenir. Donc, tu décides sur le coup de te mêler à la foule. Éventuellement, elle allait bien rentrer, et tu seras là pour l’accueillir.

Encore une fois, les bonjours, le rattrapage de nouvelles, les papoteries. À chaque interaction, tu devais modifier de peu la façade que tu portais. Tu devais t’adapter pour que tu puisses plaire aux plus de gens possible. Tu le faisais si souvent que c’était comme respirer. C’était automatique. À force de parler, le père du défunt se met à parler au micro pour attirer votre attention et vous remercier d’être venu. Ton regard se met à observer autour de toi et s’arrête à la personne qui se trouvait en diagonale de toi. Quelle chance! Ton cœur se met à sauter tellement que tu étais contente. Mais bon. Calme. Zen… Oui, c’est le moment de voler son attention. Tu décides donc de te cacher la bouche avec ta manche, avec un petit sourire, tu lui chuchotes donc:

“Alors c’est comment se trouver parmi des inconnus qui te connaissent mieux que n’importe qui?”

C’était une vérité après tout. Tous voudraient savoir et connaître le tout nouveau jouet qui se présentait parmi eux. Chacun a fait des recherches sur elle pour savoir s’il y avait quelque chose qu’il pouvait gagner en se mêlant à Mina. Tu en faisais partie d’ailleurs. Après tout, tu étais une louve aussi.

Et comme de fait, Mina s’approche de toi et ça te fait un grand plaisir. Tu ne peux t’empêcher de dévoiler un petit sourire, fermant tes yeux de manière satisfaite. Bien sûr qu’elle n’allait pas te faire confiance. Elle avait raison de se méfier. C’est alors que tu t’inclines poliment, en guise de respect.

“Vous pouvez me considérer comme une amie pour la journée. Nishihara Mei. Enchantée.~”

Tu te faisais douce et mielleuse aux autres pour les faire baisser leur garde, mais avec la dame aux cheveux lavandes, tu n’avais pas besoin d’agir de sorte. Tu te disais que lui donner des conseils serait bien la meilleure approche que tu puisses faire. Tu lui ferais découvrir les merveilleux secrets de la haute société, après tout, tu regardais bien comment elle dévorait le spectacle qui se déroulait devant vous. Dans des instants comme celle-ci, il était bien important de garder les yeux autour de la tête, ainsi que d’avoir une deuxième paire afin de consulter l’information qui se présentait devant soi. Tes yeux observaient la scène, le bonheur du patriarche entrain de déjà rechercher sa propre proie. Son prochain héritier ou encore, s’il se sentait particulièrement enculé, sa prochaine femme. Tu voyais bien le mécontentement de sa femme courante, les neurones se connectaient dans sa tête, elle comprenait enfin la situation qui se produisait devant elle. Elle n’avait plus d’utilité dans ce mariage. Sa date de péremption est passée. Elle n’avait plus de valeur. Donc, sa meilleure solution était de causer une scène devant tous.

Tu ne pouvais pas t’empêcher de lâcher un petit rire amusé. Ton attention retourne brièvement vers Mina. Sa remarque te fait plaisir. Elle n'était pas si dupe dans le fond. Tout ce qu’elle voyait, elle commentait avec une précision impeccable. Tu croyais qu’elle pourrait même se débrouiller sans toi, mais ce n’est qu’en mentionnant la vraie nature de cette rencontre que tu ne peux t’empêcher de lui donner raison.

“Ton impression est bonne. Ces funérailles n’ont jamais été pour Minase-san. Ce n’est qu’une excuse lugubre pour pouvoir possiblement faire des gains. La seule personne qui semblerait vraiment croire que toute cette organisation est pour lui, est sa mère. Tout est une question d’opportunité pour la haute société. S’il n’y a pas de gains possibles, ça ne vaut pas la peine de s’investir. Donc ne soit pas si triste, sa mort aura enfin une utilité pour certain.”

Ta façon de la rassurer n’était pas jolie. Enfin, ce n’était que la vérité. Le léger film qui couvrait tout cet événement devait être enlevé pour lui montrer la monstruosité qu’était la haute société. Ce n’était jamais joli. Chaque rencontre avait un but. Mina devait comprendre qu’ici, chacun avait sa valeur et que tout se produisait pour une raison. Finalement, leurs regards se rencontrent. Tu  pouvais bien apercevoir son ambition et son dégoût pour les mondains, incluant toi et tu aimais cet aspect d’elle. Du coup, tu tenais bien à lui rappeler de son importance en étant ici.

“Est-ce que Minase-sama est venu te dire bonjour en personne? Je m’attends à ce que dès qu’il sorte de son bureau, qu’il vienne nous voir. Il n’a pas encore fini sa tournée pour les possibles successeurs après tout.”

Voilà que tu l’avertissais de ce qui allait sûrement se produire. Tu savais bien que toi aussi tu étais une candidate, maintenant que tu avais le rôle de chasseuse. Tout était un jeu d’échec. Vous deviez simplement, ensemble, penser à quelques étapes plus loin que votre adversaire. Puis, du coin de l’oeil, tu aperçois ton frère derrière ta proie qui vous regardait.

“Jin.”

Tu ne peux t’empêcher de marmonner son nom sous ton souffle. Sa présence seule te menait folle de rage. Du coup, ça ne te surprenait pas qu’il soit présent. Ce qui t’énervait vraiment, c’était qu’il manigançait quelque chose. Tu le voyais bien dans ses yeux, surtout quand il te faisait un sourire tout aussi doux qu’un agneau. Lui, il était le pire des requins que tu pouvais croiser. Tu garderais tes distances et tu te contenterais de lui dire bonjour à la fin de tout ça. Maintenant, tu avais ta nouvelle amie à t’occuper et tu n’allais pas la lâcher d’une seconde.

“Ah, Mei-chan, bonjour, ma chère sœur. Je vois que tu te fais copine avec une chasseuse. Tu vas lui voler des conseils afin de ne pas trébucher comme tu l’as fait récemment, décevant nos parents?”

Aussitôt ton regard s’était détaché de lui, le serpent s’était approché de vous. Ta mâchoire se crispa et tu te mets à forcer ton plus beau sourire courtois, essayant de dégager une froideur menaçante pour le faire dégager de ta cible. Tu te couvres alors la bouche avec ta main manucurée, question de retenir le venin que tu voulais tant cracher à ce traître.

“Onii-san, c’est un plaisir de te revoir. Tu n’as pas répondu à mes lettres, du coup, je croyais qu’un monstre t’avait dévoré en une seule bouchée. Mina-chan, voici mon frère, Nishihara Jin, l’ancien héritier des Nishihara.”

Et tu comptais bien le remettre en place, lui rappeler de son titre qui t’appartenait désormais. Bien que tu sois sur glace avec ton titre, tu ne devais pas lui donner raison. Tu ne pouvais pas admettre que ton premier donjon a mal été. Ton orgueil ne le permettait pas. Tu devais garder ton terrain, alors que tu t'apprêtes à continuer ta pensée pour le corriger, il t’interrompt, prenant la place dans la conversation. Son attention, bien que ses yeux soient rivés sur toi, était complètement à Mina et le coup qu’il allait te faire te frappe en plein visage.

“Ah, non, j’ai pas répondu à tes lettres, car j’étais bien trop occupé à discuter avec père. Après tout, tu commences d’être à l’âge d’Omiai, pas vrai? Peut-être tu devrais te laisser marier avec un chasseur plus… compétent que toi-même. Dommage que ton prétendant soit décédé. Père semblait vraiment y penser, pour la famille. Ose-san, ce fut un plaisir de vous rencontrer. J’aimerais bien continuer la conversation, mais malheureusement, j’ai d’autres chats à fouetter, enfin, des chats que ma soeur ne désire pas fouetter. ”

Sur ce, il fit une petite inclination à la femme aux yeux violets et passe alors à côté de toi pour te siffler un dernier avertissement, le coup fatal qui te fit finalement rougir de colère.

“Oh, tu devrais regarder ta feuille de candidature, ta photo est bien chouette, c’est moi-même qui l’a choisi.”

Tes mains se serrent en poing. Si ce n’était pas pour les autres autour de vous, tu lui aurais sauté dessus. Les funérailles ne seraient pas uniquement pour Minase, mais pour lui aussi.

Allez… Mantra… Tout va bien… Tu es en vie. Tu es meilleure que lui.

Tu ne voulais pas te montrer aussi vulnérable, surtout devant ta nouvelle amie. Tu étais héritière. Tu ne pouvais pas laisser ta façade craquer. Ton masque que tu avais créé pour paraître en contrôle de chaque situation qui se présentait devant toi. C’est sûr que ton frère avait une capacité inédite de te l’enlever. Il savait ce qui t’agaçait et n’éprouvait aucune difficulté à briser les murs que tu t’étais bâti pour prendre sa place. Tu respires du nez quelques fois et tu ressens ton teint redevenir pâle.

C’est ça… Inspire… Expire…

Tu retrouves alors ton petit sourire et tes yeux regardent Mina une dernière fois.

“Désolée que tu ais dû voir ce côté des Nishihara, Mina-chan. Aucune famille n’est parfaite et depuis mon éveil, il y a beaucoup de tensions entre mon frère et moi. Je ne peux qu’espérer que tout se règle éventuellement.”

Un coup dévastateur venait de se faire devant ta proie, mais tu imaginais bien que cette petite scène finirait en ta faveur. Tu venais de dévoiler une facette cachée de toi-même. Sûrement qu'elle allait devoir sympathiser avec toi. Elle le devait. Personne aimait les mariages arrangées, surtout les femmes. Un mariage, surtout dans ton monde, était dévastateur pour une femme. C'était une perte de pouvoir. C'était des restreintes. Tu t'avais laissée convaincue quand tu étais plus jeune, mais maintenant, tu avais un rôle beaucoup plus important qu'avant. Tu ne laisserais personne te l'enlever. Mais, ta priorité, pour l'instant, était de te trouver des alliées. Mina, étant une chasseuse, était une obligation. Tu devais la garder près de toi. Tu avais vraiment l'impression qu'elle te serait indispensable, mais tu ignorais pourquoi. Pour l'instant, tu devais faire ta gentille et la guider à travers le terrain, même si tu venais de montrer une faille en toi. Qui pouvait-on blâmer. Tu avais 19 ans, tu étais inexpérimentée. Tu apprenais sur le champ.

Grave Problem, Tour 5 -A..pparament non.. conclus Mina d'elle-même quand elle se rendait compte que l'héritière des Nishihaha était sans doute en train de vider son angoisse dans les toilettes, si fort qu’elle en avait activé les sonorités pour ne pas paraître faible. La demoiselle aux cheveux couleur lavande ne lui en voulait pas d’avoir choisi de l'empêcher d’entendre ce son qui rendait d’autres personnes si prompte à déglutir autant, tout ce qu’elle ne souhaitait pas sentir c’était cette perturbante sensation de reflux gastrique. Tant qu’à être parfaitement dans le tort d’avoir bloqué les toilettes des femmes, Mina décida d’abandonner temporairement ses talons et de détacher ses cheveux. Elle sautilla un peu pour faire détendre ses pieds endoloris par ses nouvelles chaussures à peine faites, puis attendit que la princesse sorte de sa cabine, la tête des mauvais jours. Même si elle avait un court rictus moqueur, l’expression de Mina se fit rapidement compatissante pour tout ce qu’était en train de vivre l’héritière. Elle-même n’était pas autant perturbée que ça émotionnellement, mais son cerveau lui faisait quelque peu des misères de chercher sans arrêt les justifications et planifications de son hôte. Malgré la célérité de la princesse, cette dernière avait tout de même entendu sa question et y répondait d’une manière très franche, pour ainsi dire honnête, si l’on devait se fier aux sensations de Mina. “Se faire discrète et suivre la voie sans faire de vague, hein ?” pensa la demoiselle aux cheveux détachés avant de réfléchir, ses deux bras logés sous sa poitrine, yeux fermés et visage incliné vers le bas. Elle entendit après les solicitudes concernant l’espèce de parentalité s’étant mise en place. La jeune femme en collant attendit que celle en kimono commence à se rendre plus présentable pour parler d’une voix douce et compréhensive. -Si on regarde cela de mon point de vue, et vu que tout le monde sait depuis l’apparition de Minase-san que tout cela n’est pas à propos du fils mais du reste de sa compagnie, ce n’est pas impossible que de voir ton frère se faire marquer et toi être politiquement épargnée par le maître des lieux te donne une image d’intouchable. Je veux dire, si tu y réfléchis, il vient de choisir d’ignorer des dégâts que je pense colossaux à la compagnie de ta famille, par égard pour toi et elle, cela doit vouloir dire quelque chose dans les yeux des autres spectateurs. Bien entendu c’était tout dans son intérêt, puisqu’il avait apparemment des plans la concernant. Elle paraissait encore bien délicate et trop jeune dans sa tête pour être véritablement la future reine, tout au plus juste une princesse perpétuelle qui aurait besoin de sa famille encore un long moment avant d’être prête. L’héritière esquissa un gros mot, ce qui donna un autre rictus à Mina qui rouvrit les yeux avant d’entendre la phrase suivante de la demoiselle partiellement repoudrée. -Je pense que je l’avais deviné, mon compte en banque ne pouvait pas se faire terrasser et ma mère se voir menacée de perdre son emploi par un simple monstre de donjon, répondit honnêtement Mina avant d’avoir un petit rire. Et à ce jour je ne crois pas me souvenir d’avoir vu un monstre sortir d’un donjon pour m’attaquer dans ma vie privée. Comme on dit ici, ça c’est ça, ceci est ceci (Kore wa kore, sore wa sore, adage qui veut simplement dire que deux choses ne sont pas comparables.), les donjons sont des risques à court terme, ici tout danger peut perdurer et affecter plusieurs générations. La phrase suivante de l’héritière ne manqua pas de faire esquisser un “tch” de mécontentement en entendant mariage, puis la seconde remit un peu de baume au cœur de la demoiselle qui rattachait ses cheveux prestement avant de faire un “hmhm” d’un ton approbateur, même si le “chan” était un peu déplacé si l’on considérait leur différence d’âge. -Tu sais, plus j’y pense et plus je me dis que tu devrais employer la même solution que pour le reste. Tu restera éternellement déçue et honteuse si tu ne prends pas les devants pour prendre les décisions pour toi-même, y compris pour les situations ou tu penses ne pas avoir ton mot à dire, fit la demoiselle aux cheveux de nouveau noués en tendant son téléphone à clapet. Dans son téléphone déverrouillé d’office (une marque de manque de sécurité flagrant.), si Mei y fouinait tout en entrant ses coordonnées, elle y trouverait les contacts incluant sa mère, son père, banquier, le gérant qui s’occupait de ses contrats de chasseresse depuis qu’elle avait quitté le lycée après son diplôme, ainsi qu’un numéro solitaire, que la demoiselle n’avait jamais su effacer ni de son coeur, ni de son téléphone. Sans nom ni prénom, juste la mention “ex” était présente, cette modification elle l’avait apportée pour éviter la nostalgie de voir son pseudonyme. -Je veux dire, continuait Mina en se retournant, insouciante. Pour cette histoire de mariage, je pense que si tu n’es pas encore résolue que c’est ton devoir en tant que cheffe de famille, même si cela te peine tu devrais prendre les devant comme pour les affaires qui concernent ton frère. C’est ton futur que tu mets en jeu, et, si tu laisse le hasard et d’autres personnes choisir un époux pour toi, alors tu prend le risque d’être malheureuse alors que tu pourrais toi même décider d’un destin qui te convient. La jeune femme en collant se baissait pour remettre ses talons, pensant elle-même à ses histoires d’amours ratés et dont la mélancolie était placée derrière une immense barrière de déni. -Je ne peux pas te promettre qu’en cherchant tu trouvera l’homme qui fera fondre ton cœur, d’autant que je ne connais pas tes goûts, mais peut être que la solution à ce problème ne se trouve pas dans l’homme idéal. En se relevant, Mina reprit sa pose de réflexion tout en se retournant, éventuellement tendant la main pour reprendre son téléphone si Mei avait fini. -Minase-san t’a peut être montré la bonne voie sans s’en rendre compte, au final. Si tu choisit un homme malléable que tu pourrais manipuler et dont les aspirations ne seraient pas forcément d’être à chaque instant juste immonde. Tu aurais sans doute à être un peu cruelle avec lui s'il tombait amoureux, bien entendu, mais c'est le monde dans lequel tu évolue qui veut ça. Bien sûr, je pense que tu sauras me dire que ce n’est pas un mariage idéal, mais.. A part un coup de foudre ou une sélection particulièrement chanceuse, je pense que pas beaucoup d’entre vous n’a vraiment eu un mariage.. idéal. Elle prit un moment pour réfléchir à tout ça, puis attrapa les mains de l’héritière avant de la regarder dans les yeux. -Tu m’a dit, personne ne t’a dit que tu avais le droit d’être fâchée ou dégoutée, sans doute que cela était pour que tu l'apprennes toi-même ou échoue pour ce faire. Cela prouve d’une part que tes parents savent ce qui t’attends, et qu’ils savent également ce que tu devras affronter pour rester à la place où tu te trouve. Et si tu y regardes de plus prêt, tu t’es sauvée toute seule.. Je ne t’ai donné que l’opportunité de faire un choix que Minase-san t’a donné, celui de prendre un peu plus l’ascendant sur ton frère. Et pour cette affaire comme pour ta mise en relation, en tant que principale intéressée, c’est à toi de faire ce qu’il faut pour t’éviter tout nouveau débordement. Mina eut un petit rire. -Pas ce petit con, s’en amusa la demoiselle aux cheveux couleur lavande. Tu l’a regardé se pavaner aujourd’hui avant qu’il ne se fasse remettre à sa place comme s’il avait déjà scellé ton destin. Je pense qu’à ta place mon instinct me crierais de décider de mon futur avant que lui ne le fasse, pas par crainte, mais simplement d’une part pour lui damer le pion, et d’autre part parce que quoi qu’il arrive, tu devras t’y souscrire, et que tu es la mieux placée pour choisir qui te convient, avec les avantages que ta famille veut qu’il ait bien entendu. Restait à savoir si le plan qu’avait Katashi la concernant n’était pas de lui proposer un lien de mariage, et dans ce cas.. Dans ce cas la chose était sacrément honteuse de la part du “tigre”. Mais plutôt que de penser aux monstres impossible à démasquer, mieux valait se concentrer sur ce que la demoiselle savait. -Je suis désolée, s’excusa Mina, finalement. Je me doute que ce n’est pas la chose que tu voulais entendre, surtout de la part de quelqu’un comme moi, je veux dire, tu connais mon parcours comme tous les autres dans cette salle… Je n’ai jamais eu à prendre d’aussi grande décision pour ma vie. Un mensonge en vérité, lui répondait instantanément son esprit, elle avait eu à faire un choix aussi capital dans sa vie quand elle avait décidé de survivre à sa propre mort. -Du moins pas concernant cet aspect là de ma vie… Et, je ne pense pas être prête à choisir la vie de famille, même à mon âge alors que je sais ce que je souhaite chez un homme ou une femme et que le désir de fonder une famille peut nous être enlevé si vite… Du coup, me tenir là et te dire de prendre un époux même par dépit de manière à ce que personne ne te colle quelqu’un dont tu ne veux pas est très malvenu de ma part.. Considère juste ça comme un cri du cœur, pas nécessairement un conseil éclairé, en plus je te parle de choses que j’imagine juste, sans être vraiment sûre de comment cela se déroule… Si Mina avait paru peut-être forte ou stoïque face à tout ce monde assez sophistiqué aux règles complexes, penser à elle-même et à sa situation avait visiblement ramolli suffisamment sa carapace pour que l’on aperçoive l’écrin sentimental qui s’y cachait. En cet instant, elle était vulnérable, mais cela n’allait probablement pas durer longtemps. Consciente de son épanchement d’émotions, Mina vida ses poumons lentement du mieux qu’elle pu avant de bloquer sa respiration, puis d’inspirer lentement, comme revenant à la vie, et colmatant sa vulnérabilité. Elle laissa quelques instants de plus à Mei pour parler avant de décaler la chaise qui bloquait la porte. Apparemment personne n’avait été offensé et les deux demoiselles avaient eu la chance qu’aucune femme ne doivent se servir de la salle.

Petite Aparté:
C'est là que je me rend compte que j'aurais préféré continuer sur la terrasse avec Katashi, mais le post est déjà méga long, et Mei aura sûrement de l'introspection à faire et des réponses à apporter, peut être même une résolution ou tant d'autres choses encore. Donc, plus par nécessité qu'autre chose, le Tigre attendra un tour complet sur la terrasse, il avait qu'a emporter des mots croisés.. ¯\_(ツ)_/¯